Auteur : Gaétan Soucy
Pages : 181
ISBN : 978-2-89052-913-4

Nous avons dû prendre l’univers en main mon frère et moi car un matin peu avant l’aube papa rendit l’âme sans crier gare. Sa dépouille crispée dans une douleur dont il ne restait plus que l’écorce, ses décrets si subitement tombés en poussière, tout ça gisait dans la chambre de l’étage d’où papa nous commandait tout, la veille encore. Il nous fallait des ordres pour ne pas nous affaisser en morceaux, mon frère et moi, c’était notre mortier. Sans papa nous ne savions rien faire. À peine pouvions-nous par nous-mêmes hésiter, exister, avoir peur, souffrir.
Ainsi débute ce récit impossible à raconter, à la fois désopilant et grandiose, plein de surprises et d’enchantements, porté de bout en bout par une langue tout ensemble farfelue et éclatante. Ce qui prouve bien deux choses, si besoin était : à savoir que la littérature est d’abord une fête du langage, et que Gaétan Soucy occupe dans nos lettres une place aussi unique qu’incontestable.

Note

Voilà un récit qui sort de l’ordinaire. L’histoire, d’abord étrange, devient vite surréel. On y découvre la vie de deux adolescents qui ont toujours vécu à l’abri des regards, sans jamais avoir de contacts avec leurs semblables. Ils ne connaissent que ce qui leur est permis de lire dans la grande bibliothèque délabrée du manoir familiale. Tranquillement, leur histoire nous sera révélée… mais pas comme on s’y attendrait !

L’histoire commence avec la mort du père, pour qui les secrets familiaux pesaient trop lourds sur la conscience. Il s’est pendu dans sa chambre, laissant ses deux enfants orphelins. Ces derniers ne savent pas trop quoi faire et le plus vieux décide qu’il est important de se procurer un cercueil au village. Commence alors un récit très étrange et pourtant poétique.

Le texte que couche sur le papier Gaétan Soucy est pour le moins spécial. L’auteur a choisi de raconter son histoire à travers les yeux d’un (jeune) personnage, ce qui demande un temps d’adaptation pour bien comprendre et assimiler ce qui est lu. Le récit est écrit différemment de tout ce qui est populaire aujourd’hui, un peu comme dans un ancien écrit. Mais si l’écriture semble bizarre en début de roman, le lecteur s’y habitue rapidement. C’est rempli de tendresse dans un sujet d’une noirceur profonde. À la fois beau et poétique, mais horrible et déroutant. C’est étrange et magnifique à la fois…

Ces enfants qui ont toujours vécus en marge de la société, isolés, presqu’en sauvages. L’idée de Gaétan Soucy de nous transmettre son récit via la main du plus vieil enfant lui permet de nous faire bien comprendre toute la profondeur de l’histoire. Ce qui semble tout à fait normal pour eux ne l’est pas forcément pour les autres. Et c’est là que l’auteur a réussi à faire de son roman un roman efficace.

C’est un texte bouleversant que nous livre l’auteur. Bouleversant et marquant. Sordide même, brutal et rempli de folie. Mais au final, c’est horriblement beau !

13/07/2022

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