Auteur : Michel Jean

Pages : 224

ISBN : 978-2-7648-1344-7

«C’est un de ces soirs où je trayais les vaches dans la lumière du soleil couchant que je l’ai vu pour la première fois. Un canot est apparu, descendant en silence la rivière. Un homme torse nu, à la peau cuivrée, ramait sans se presser, se laissant pousser par le courant. Il paraissait à peine plus âgé que moi. Nos regards se sont croisés. Il n’a pas souri. Et je n’ai pas eu peur.»

Ce roman raconte l’histoire d’Almanda Siméon, une orpheline amoureuse qui va partager la vie des Innus de Pekuakami. Elle apprendra l’existence nomade et la langue, et brisera les barrières imposées aux femmes autochtones.

Relaté sur un ton intimiste, le parcours de cette femme exprime l’attachement aux valeurs ancestrales des Innus et le besoin de liberté qu’éprouvent les peuples nomades, encore aujourd’hui.

Note

Raconté tout en finesse et de façon très intime, Michel Jean nous transporte à cette époque des grands espaces au Québec, dans ce temps où les colons étaient encore une minorité et où il y avait ces peuples qui vivaient en harmonie avec la nature. À l’arrivé de ces étrangers, ils ont cru qu’il y avait assez de place pour tous et chacun… Mais ils avaient tort.

Au fil des chapitres, on s’attache à Almanda, le personnage principal de qui nous lisons le texte. On l’aime, on veut qu’elle soit notre amie. Cette jeune femme s’est totalement intégrée à ce mode de vie lorsqu’elle fait la rencontre de son futur époux, un indien du nom de Thomas. Elle ne connaissait alors rien de ce peuple si différent. Ça ne l’a pourtant pas empêché de le suivre et d’apprendre. Et c’est à travers ces pages que l’auteur nous fait découvrir sa belle histoire.

Ça commence tout en beauté et c’est sans se presser qu’on découvre la vie des Innus de Mashteuiash. Leur mode de vie, alors qualifié de sauvage par les nouveaux venu, est pourtant parfaitement en symbiose avec la nature. Le respect de la nature, le respect envers l’abondance ou le manque de nourriture, le respect de toute chose… Y’a pas de doute, nous avons beaucoup perdu à ne pas les avoir traité comme des égaux.

Le récit et les découvertes d’Almanda n’est que pur émerveillement. Tout est magnifique et splendide dans ce mode de vie, même lors des hivers les plus rudes. Le lecteur se surprend à vouloir se retrouver dans un tel endroit. C’est si calme, c’est si sympathique.

Et puis il y a une cassure. Une forte cassure. Le merveilleux se transforme rapidement en cauchemar. Ce peuple qui vivait depuis si longtemps sur ces terres se rend compte qu’ils ne possèdent finalement presque rien. Les blancs arrivent et s’approprient tout. Les rivières, les terres… Ils vont même jusqu’à leur enlever leurs enfants… Pour les éduquer qu’ils disent. Pour qu’ils ne soient plus des sauvages. C’est terrible.

J’ai terminé ma lecture à minuit pile. C’était écrit 0:00 sur mon cadran. La fenêtre ouverte, le ciel orageux et la pluie tombant avec force. Comme si la météo elle-même s’était mise de la partie et comprenait mon chagrin de terminer cette merveilleuse histoire, de laisser aller ces personnages et cette vie qui semblait si agréable autrefois. Le temps s’était comme arrêté… et c’est là que le récit m’est rentré dedans !

Ce petit roman est beau. Beau dans ce qu’il peut nous apporter. On passe de l’émerveillement à la tristesse en passant par une phase colérique. Cette industrialisation, cette « modernisation » qui était pourtant pour apporter un futur meilleur aura finalement tout détruit. Les forêts, les rivières, les Innus eux-mêmes…

Ce petit roman est une petite perle. Vraiment. Ce n’est pourtant pas grand-chose, mais c’est tout à la fois. C’est beau et poignant. Il faut le lire, ne serait-ce que pour comprendre et ne pas oublier. Je dirais même que c’est presque essentiel de le lire.

Des sauvages ? Vraiment ? Je crois surtout que ce sont nous les sauvages…

31/07/2023

« J’arrivais d’un monde où l’on estimait que l’humain, créé à l’image de Dieu, trônait au sommet de la pyramide de la vie. La nature offerte en cadeau devait être domptée. Et voilà que je me retrouvais dans un nouvel ordre des choses, où tous les êtres vivants étaient égaux et où l’homme n’était supérieur à aucun autre. »

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