Et si on brûlait les bibliothèques ?

Et si demain, vos livres préférés disparaissaient des rayons, non pas par accident, mais par décision politique ?

Brûler des livres. En voilà une idée absurde ! Le simple fait d’imaginer brûler une bibliothèque choque, révulse. L’idée même qu’on puisse volontairement mettre le feu à un lieu de savoir me semble profondément inimaginable.

Jamais je ne pourrais concevoir qu’on attaque ainsi la connaissance, comme si elle était un ennemi à éliminer. Au contraire, la préservation des livres est une cause universelle, un combat pour l’ouverture, la diversité et la compréhension.

Pourtant, ce cauchemar n’est plus seulement une image tirée du passé ou d’un roman dystopique. Aux États-Unis, des livres disparaissent des rayons, des bibliothèques scolaires ferment, des romans, souvent porteurs de voix diverses et marginalisées, sont retirés ou censurés…

Ce phénomène, que certains appellent déjà une « crise de la lecture libre », nous interpelle tous, y compris ici au Québec. Car même si la censure n’y prend pas la même forme dramatique, elle peut s’y cacher sous des aspects plus subtils…

« Censurer un livre, c’est comme éteindre une étoile dans le ciel de la connaissance. »

Une histoire de censure qui remonte à loin

Des flammes du passé aux menaces d’aujourd’hui

La censure n’est pas née hier. Elle s’est imposée comme une arme puissante dès les années 1930, dans un contexte mondial tendu où certains pouvoirs cherchaient à contrôler l’information et la pensée. Des régimes totalitaires aux démocraties fragiles, brûler des livres ou interdire certaines idées est toujours un signe avant-coureur d’une société en danger.

Ce qui est en train de se passer aujourd’hui aux États-Unis n’est que la réactivation de ces vieux démons sous une forme nouvelle, plus sournoise, mais tout aussi dangereuse. D’autres pays, comme la Russie, imposent des limites sévères à l’accès à certaines œuvres, souvent pour contrôler l’information ou étouffer des voix critiques.

La meilleure façon de contrôler un peuple, c’est de l’empêcher de penser par lui-même — et pour cela, rien de plus efficace que de le maintenir dans l’ignorance. Parce que priver un peuple de savoir, c’est s’assurer de sa soumission. L’ignorance est l’instrument le plus sûr du pouvoir.

Qu’est-ce qui empêche tout ça d’arriver chez nous, au Québec ?

Je repense à cette scène marquante d’Indiana Jones et la Dernière Croisade, où les nazis brûlent des piles de livres en pleine rue.

C’est une image de fiction, certes, mais inspirée de faits bien réels — et elle me revient souvent en tête, comme un avertissement. Parce que bannir un livre, c’est toujours plus qu’un simple geste symbolique.

Aux États-Unis, la censure prend de l’ampleur

Depuis plusieurs années, plusieurs États américains assistent à une vague d’interdictions ciblant des livres jugés « inappropriés » ou « subversifs ». Ces titres abordent souvent des sujets liés à l’identité LGBTQ+, au racisme, à l’histoire coloniale, ou à des réalités sociales difficiles.

Des parents, des groupes conservateurs, parfois soutenus par des élus, demandent le retrait de ces œuvres des bibliothèques publiques ou scolaires, au nom d’une protection des « valeurs familiales ». Résultat : des centaines de livres disparaissent des rayons, des bibliothèques ferment temporairement, et des auteurs sont attaqués publiquement.

Ce climat s’est exacerbé avec la montée de Donald Trump et du courant idéologique qui l’accompagne.

Sous sa présidence, une partie du discours politique américain s’est radicalisée autour des thèmes du « politiquement correct » et de la « guerre culturelle ». Des lois ont été proposées ou votées pour limiter ce qui peut être enseigné dans les écoles — bannissant notamment l’enseignement critique du racisme systémique ou de l’identité de genre.

En censurant certaines idées ou modes de vie pour satisfaire une minorité convaincue de détenir la vérité sur ce que doit être la vie, nous choisissons l’aveuglement. Pourquoi penser par soi-même, quand une minorité éclairée peut décider pour nous ce qui est bon, vrai et autorisé ? Ça juste pas de bon sens.

Ce que certains appellent « censure douce » devient, dans certains États comme la Floride ou le Texas, une politique assumée : surveiller, interdire, réécrire. Réécrire parce que ça ne concorde pas à notre façon de voir le monde. Une démarche qui menace directement la pluralité des voix et la liberté de pensée — des principes pourtant fondamentaux dans une démocratie.

🔥 Plus scandaleux encore, une scène surréelle s’est déroulée dans ce pays il n’y a pas si longtemps. La candidate au poste de secrétaire d’État du Missouri a brûlé le livre Naked… au lance-flammes ! Ce livre pour les jeunes/ados traite de la sexualité. La candidate ne s’est pas gênée pour insulter ce livre en allumant son arme, prétextant que cet ouvrage est dangereux et « sexualise les enfants ».

Honnêtement, cette dérive me fait peur. Elle donne l’impression qu’on recule, qu’on tente de museler la pensée critique au nom d’une morale uniforme, étroite et imposée. Une vieille morale qui n’a pourtant plus sa place dans le monde moderne.

Le roman La Servante écarlate : une œuvre toujours controversée aux États-Unis

Depuis sa parution en 1985, La Servante écarlate de Margaret Atwood ne cesse de susciter des débats, notamment aux États-Unis. Cette dystopie glaçante, où les femmes sont réduites à des fonctions reproductives dans une théocratie autoritaire, est à la fois saluée pour sa puissance littéraire et critiquée pour sa portée politique.

Dans certains États, le roman a été retiré des bibliothèques scolaires, jugé « trop explicite » ou « subversif ». Son utilisation d’une imagerie religieuse et ses scènes de violence institutionnelle en font une cible récurrente pour les mouvements conservateurs. À l’inverse, de nombreuses militantes féministes et défenseures des droits y voient un miroir inquiétant de certaines réalités contemporaines, notamment dans le contexte du recul du droit à l’avortement.

Adapté avec succès en série télévisée, le roman est aujourd’hui bien plus qu’un récit de fiction : il est devenu un symbole, un avertissement, et parfois, un champ de bataille idéologique.

Pourquoi cette situation nous concerne-t-elle au Québec ?

Même si le Québec vit dans un contexte différent, cette tendance ne doit pas être ignorée. La liberté de lire, d’accéder à toutes les idées, est un droit fondamental. Et elle peut être fragilisée par des pressions politiques, économiques ou sociales.

Au Québec, nous sommes aussi témoins de débats sur certains contenus jugés sensibles, et parfois de tentatives pour restreindre certains livres dans les écoles. La vigilance reste de mise pour préserver notre patrimoine culturel et notre liberté intellectuelle.

Récemment, plusieurs se souviennent de Yvan Godbout qui a fait les manchettes. Son roman Hansel et Gretel, une réécriture sombre, violente et brutale du conte classique, a été momentanément retiré des tablettes en 2019 suite à la plainte d’une professeure. L’auteur et l’éditeur ont été trainés devant la justice. Cette décision a relancé le débat sur les limites de la fiction, la liberté d’expression et la place de la littérature dérangeante dans nos rayons. Un rappel que les livres, parfois, dérangent autant qu’ils éveillent.

Ce roman est redevenu disponible après l’acquittement de l’auteur et de son éditeur par la Cour supérieure du Québec en septembre 2020. Le juge a conclu que les passages incriminés relevaient de la fiction et que les articles du Code criminel invoqués contre eux violaient la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en matière de liberté d’expression.

Suite à cette décision, le roman a été réédité et est désormais accessible à nouveau au public. Mais le mal a été fait pour l’auteur qui a dû faire face à un choc médiatique, personnel et professionnel, pour une œuvre de fiction clairement destinée à un public adulte.

Cela a eu de nombreuses conséquences.

J’avais lu Hansel et Gretel bien avant que toute cette affaire médiatique n’éclate. Et j’ai suivi de près chaque rebondissement, révolté par ce qu’on a fait vivre à l’auteur.

L’affaire a aussi envoyé un signal inquiétant aux auteurs d’ici. Si une œuvre fictive peut mener à des poursuites criminelles, cela peut créer un climat de peur ou d’autocensure. Au détriment de la culture.

« Un livre censuré est un livre à lire, » dit Stephen King

J’ai toujours admiré Stephen King pour son talent de conteur… mais aussi pour son franc-parler. Il a souvent dénoncé la censure des livres, y compris les siens, avec une force qui me touche. Pour lui, un livre qu’on interdit est souvent un livre qui dérange, qui fait réfléchir — et c’est justement pour ça qu’il faut le lire. Dans un tweet, il disait : « Lisez un livre interdit. » Un appel simple, mais puissant. Et franchement, je le rejoins à 100 %. La lecture doit rester un espace libre, sans murs ni cadenas.

La bibliothèque, un pilier de la démocratie

La bibliothèque, qu’elle soit municipale, scolaire ou universitaire, est un lieu sacré. C’est un espace d’accès égalitaire à la connaissance, où chacun peut explorer, apprendre, rêver, et comprendre le monde.

Brûler une bibliothèque, c’est brûler la diversité des voix, des histoires, des points de vue. C’est détruire un patrimoine collectif qui construit la société.

Protéger nos bibliothèques, c’est protéger notre liberté. C’est défendre le droit de penser autrement, de questionner, de s’ouvrir à l’autre. Chaque livre préservé est une victoire contre l’oubli et l’obscurantisme. Ne laissons jamais les flammes détruire ce trésor commun.

Ami(e)s Français

Le saviez-vous ?

Le sociologue Denis Merklen a documenté qu’entre 1996 et 2013, 70 bibliothèques ont été incendiées en France, principalement dans les quartiers populaires. Cette statistique provient de son ouvrage Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ?, publié en 2013 aux Presses de l’Enssib.

Ses recherches montrent que ces actes ne relèvent pas uniquement du vandalisme gratuit. Ils traduisent des tensions sociales profondes dans certains milieux urbains marginalisés. Ils traduisent des tensions sociales profondes dans certains milieux urbains marginalisés. Bien qu’elles soient traditionnellement associées au savoir, à la culture et à l’émancipation, les bibliothèques peuvent, dans certains contextes, être perçues comme des symboles d’autorité ou d’exclusion. Aux yeux de certains habitants, elles représentent des institutions publiques qui ne répondent pas à leurs besoins réels. Dans cette perspective, brûler une bibliothèque devient un geste de rejet, une forme de protestation contre un système perçu comme indifférent ou éloigné des réalités du quotidien.

Pourquoi avons-nous besoin des livres qui dérangent ?

La littérature qui dérange, qui questionne, qui bouscule nos certitudes, est indispensable. Ces livres ouvrent des fenêtres sur des réalités souvent ignorées, donnent voix à ceux qu’on n’écoute pas, et font vaciller les certitudes confortables.

Ils invitent à la réflexion, au débat, parfois même à l’inconfort — car c’est souvent dans ce trouble qu’émerge la compréhension et la transformation.

Retirer ces œuvres des bibliothèques, c’est priver les lecteurs de cette richesse essentielle, c’est limiter leur capacité à penser librement et à s’ouvrir à la diversité humaine.

La censure s’attaque donc non seulement aux livres, mais à notre capacité collective d’empathie, d’intelligence et de progrès.

Cela me fait peur, vraiment. Parce qu’interdire un livre, c’est souvent le premier pas vers quelque chose de bien plus sombre. C’est terrifiant de voir que, même aujourd’hui, des mots peuvent encore être jugés trop dangereux pour être lus.

La lecture comme acte de résistance

Lire, ce n’est pas seulement tourner les pages d’un livre, c’est bien plus que cela. C’est un acte de liberté, une ouverture vers des mondes multiples, des idées diverses, des voix parfois oubliées ou marginalisées. Dans un monde où la pensée tend à s’uniformiser, où les discours se polarisent, lire devient presque un geste de rébellion.

Chaque livre est une fenêtre qui s’ouvre sur l’autre, sur l’inconnu, sur la complexité humaine. C’est un moyen de questionner, de comprendre, de se forger sa propre vérité, au-delà des discours dominants. Lire, c’est s’armer contre l’intolérance et le dogmatisme, c’est cultiver l’esprit critique et l’empathie.

Alors, non, nous ne brûlerons pas nos bibliothèques. Au contraire, nous devons les protéger avec passion, défendre leur rôle essentiel dans la transmission du savoir et de la diversité culturelle. Garder vive la flamme de la curiosité et de la liberté, c’est préserver l’essence même de ce qui fait de nous des êtres humains capables de penser, de rêver et de résister.

Tant qu’il y aura des livres à lire, il y aura toujours des esprits libres pour résister !

Brûler les bibliothèques, c’est pas une option !

Ce qui me fait vraiment peur, ce n’est pas qu’on lise moins, c’est qu’on empêche de lire. Le bannissement des livres, qu’il soit officiel ou insidieux, me glace. Qu’un ouvrage soit retiré d’une bibliothèque parce qu’il dérange, choque ou bouscule… c’est le signe qu’on a peur de ce qu’il contient. Et ce qui me trouble, c’est que cette peur ne vient jamais des livres eux-mêmes, mais de ceux qui veulent contrôler ce que les autres ont le droit de penser.

J’ai grandi avec l’idée que les livres étaient des espaces de liberté totale. Qu’on pouvait y rencontrer toutes sortes de voix, même celles avec lesquelles on n’était pas d’accord. Apprendre, comprendre, douter : c’est tout ce que la lecture permet. Alors quand je vois qu’on commence à censurer certains romans, à en interdire l’accès sous prétexte qu’ils sont « dangereux », je ne peux m’empêcher de penser à tout ce qu’on perd.

Car interdire un livre, ce n’est pas le faire disparaître — c’est étouffer une part de notre humanité.

Aujourd’hui, on retire un livre. Demain, c’est notre pensée qu’on bâillonne. Je refuse le feu : je lis, je partage, je questionne.
Je refuse le silence.

Fais circuler ces mots. Partage cet article et parle des livres qu’on voudrait faire taire. 

Lire, c’est résister. Lire, c’est éclairer.

Ces livres qui m’ont fait réfléchir

Quand la fiction dénonce la censure

1984 – George Orwell
Dans un régime totalitaire où l’on réécrit le passé, la vérité devient un outil de manipulation. Les livres y sont contrôlés, les mots vidés de leur sens. Orwell frappe fort avec cette dystopie toujours aussi actuelle sur les dangers du contrôle de l’information.

Fahrenheit 451 – Ray Bradbury
Dans un futur où les pompiers ne sauvent plus les livres mais les brûlent, la lecture est interdite et la pensée critique étouffée. Ce roman culte montre la puissance des mots… et ce qu’on perd quand on les fait disparaître. Une lecture essentielle.

Sources et pistes de réflexion