Mon fils n’aime pas lire
Ce n’est pas un échec, c’est la vie.
Si, comme moi, vous êtes parent et que vos enfants n’aiment pas lire, je vous comprends. On voudrait tant leur transmettre cette passion qui nous a fait grandir, rêver, tenir bon parfois. Mais nos enfants ne sont pas nous. Ils ont leurs propres chemins, leurs propres passions. Et non, ce n’est pas un échec. C’est juste… la vie qui suit son cours, différemment.
Je suis un passionné de lecture. Lire fait partie de mon quotidien, de mon équilibre, de ma manière de comprendre le monde. Alors, quand j’ai compris que mon fils, lui, n’aimait pas lire… j’ai ressenti un mélange de surprise, de déception, et de questionnement.
Ce n’est pas qu’il n’aime pas apprendre. Ni qu’il manque de curiosité. C’est juste que les livres, pour l’instant, ne lui parlent pas comme ils me parlent à moi.
Et je dois l’accepter.
Ce texte n’est pas un reproche. C’est une réflexion de père, qui essaie de conjuguer passion personnelle et respect de l’autre. Parce qu’au fond, ce que je veux, ce n’est pas qu’il aime lire. C’est qu’il soit libre d’aimer ce qui le fait vibrer.
« Chez nous, les livres débordent des étagères… sauf dans son cœur, à lui. »
Quand la passion ne se transmet pas
Le lecteur que je suis. Le fils qu’il est.
J’ai essayé. Bien sûr que j’ai essayé. Des livres drôles, des romans d’aventure, des bandes dessinées, des histoires courtes, des lectures à voix haute le soir. J’espérais qu’un déclic se produise, qu’un personnage l’accroche, qu’une intrigue le tienne en haleine. Ça allait forcément arriver à un moment donné.
Mais souvent, au bout de quelques pages, il soupirait. Il regardait ailleurs. Il me disait : « C’est plate » ou « C’est trop long. » Et je voyais bien que ce n’était pas de la mauvaise volonté. Juste un manque d’intérêt. Une autre façon d’être au monde.
Au début, j’ai insisté. Puis j’ai compris : la lecture ne se force pas. Elle se découvre. Et parfois… elle ne se découvre pas. Du moins, pas maintenant…
Et c’est correct aussi.
Essayer de comprendre
Et si ce n’était pas un refus, mais une autre façon de lire le monde ?
À force d’y réfléchir, j’ai cessé de voir son désintérêt comme un rejet de la lecture. Et j’ai commencé à me poser d’autres questions.
Et si, au fond, ce n’était pas qu’il n’aimait pas lire, mais simplement qu’il ne lisait pas comme moi ? Peut-être que les livres ne sont pas son langage préféré. Peut-être que les images, les sons, les jeux, les histoires interactives parlent davantage à sa sensibilité.
Je me suis aussi rappelé que l’école, bien souvent, associe la lecture à l’obligation. Lire pour un test, lire pour résumer, lire parce qu’on doit. Comment s’étonner que certains enfants développent une forme de rejet ou d’indifférence ? Pour moi, lire est un plaisir. Pour lui, c’est parfois perçu comme une tâche.
J’ai compris qu’il avait besoin de liberté. De pouvoir choisir comment, quoi, et quand lire — ou même de ne pas lire du tout.
Et surtout, qu’il avait besoin de sentir que son père l’aimait, qu’il lise ou non.
Redéfinir ce que lire veut dire
Mon fils dit que c’est plate. Et si c’était moi qui ne comprenais pas ?
Pendant longtemps, j’ai cru que lire, c’était forcément ouvrir un roman, tourner les pages, se plonger dans une histoire écrite, avec un début, un milieu, une fin. Mais à regarder mon fils vivre, j’ai compris que la lecture prenait parfois d’autres formes.
Il peut passer une heure à lire des menus dans un jeu vidéo, à décrypter des dialogues, à suivre une quête comme on suivrait un chapitre. Il rit devant des bandes dessinées qu’il choisit lui-même, même s’il ne les lit pas “comme il faut”. Il regarde des vidéos où on raconte des récits. Et parfois, il me surprend à poser des questions complexes, nourries de détails qu’il a “lus” à sa manière, ailleurs que dans un livre traditionnel.
Et si tout ça, c’était aussi lire ?
Lire autrement.
Lire ailleurs.
Lire à sa façon.
Je me suis rendu compte que mon rôle n’était pas de lui imposer mes livres préférés. Mais de lui ouvrir des portes, de semer des graines.
Un jour, peut-être, l’une d’elles germera.
Ou pas. Et ce sera très bien ainsi.
« J’ai compris que l’amour des livres ne se transmet pas comme un héritage… il se découvre.
Ou pas. »
Apprendre à lâcher prise
Mon fils ne lit pas. Moi, j’apprends à le laisser être.
Aujourd’hui, je n’essaie plus de le convaincre. J’essaie de l’écouter. Je laisse ses intérêts le guider, même s’ils ne passent pas par les livres. Parce qu’au fond, ce que je veux, ce n’est pas qu’il aime lire comme moi — c’est qu’il aime ce qu’il fait, ce qu’il est. Qu’il développe sa curiosité, son esprit critique, son imaginaire… à sa manière.
Et qui sait ? Un jour peut-être, il ouvrira un livre et s’y perdra pour de bon. Peut-être qu’il tombera sur le bon texte, le bon moment, la bonne voix.
Être parent, c’est aussi apprendre à faire le deuil de certaines projections. Et à aimer son enfant non pas pour ce qu’il pourrait devenir, mais pour ce qu’il est, ici et maintenant. Même s’il ne lit pas.
Peut-être qu’un jour, il ouvrira un livre… ou peut-être pas. Mais il ouvrira d’autres mondes, à sa façon. Et moi, je serai là, fier de lui, peu importe le chemin qu’il choisira.
Mais même s’il ne lit jamais comme moi, il sera toujours mon fils. Mon fils qui n’aime pas lire, mais que j’aime infiniment. ![]()

